Histoire du journalisme
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usqu’à
la Révolution française, les journalistes étaient tous des hommes politiques
qui avaient pour but de démontrer que leurs points de vue étaient justes. Sous
la monarchie constitutionnelle, la presse commence à se développer, avec
l’apparition de journaux à thème, écrits par des hommes de lettres, des
affairistes ou des politiques. Sous le Second Empire, le nombre de journaux (et
donc de journalistes) se multiplie. A la fin du XIXe siècle, avec l’arrivée du
chemin de fer, l’alphabétisation généralisée des Français ainsi que
l’industrialisation, on passe de 70 quotidiens en 1867 à 300 quotidiens en
1914.
Ayant
fortement participé à la propagande et au bourrage de crâne pendant la Première
Guerre mondiale, le presse se retrouve fragilisée à la fin du conflit. Le 9
janvier 1918, 15 journalistes se réunissent à Paris « dans le but de mieux
structurer et défendre leur profession[1] ».
De cette réunion vont découler deux
dates importantes : premièrement, le 10 mars 1918, le Syndicat des
journalistes est créé, ayant pour but de défendre les journalistes en négociant
leurs conditions de travail. Ensuite, en mai 1936, la carte de presse et de la
Commission de la carte d'identité des journalistes professionnels (CCIJP) est
créée, donnant une reconnaissance législative au statut des journalistes.
Durant
la Seconde guerre mondiale, la presse redevient un instrument de propagande. La
Libération donne lieu à une réorganisation du système médiatique, avec la
suppression des journaux ayant paru sous l’Occupation et la nationalisation de
l’Agence de presse.
Et aujourd’hui?
Avec
l’apparition des nouvelles technologies de l’information et de la communication
(NTIC), le métier de journaliste est en plein bouleversement. Grâce aux
potentialités interactionnelles d’Internet (la participation des lecteurs, le
« user generated content » et
les réseaux sociaux), on voit aujourd’hui apparaitre une nouvelle forme de
journalisme : le journalisme 2.0.
Ce
journaliste est-il capable de détrôner le journaliste traditionnel? Pour répondre
à cette question, il est intéressant d’avoir deux points de vue : celui
interne (les journalistes) et celui externe (le grand public).
Une évolution évidente
dans la formation
Après
l’écriture, l’alphabet puis l’imprimerie, Internet est la quatrième révolution
majeure que l’Humanité ait vécue. L’information se retrouve au cœur de cette
révolution, ce qui redéfinit les contours du métier de journaliste.
Aujourd’hui,
et grâce aux NTIC, l’information passe de « one to many » à
« many to many ». La formation en journalisme ne peut donc plus être
une simple transmission d’un passé, puisque ce dernier est dépassé. Les
rapports aux sources sont différents, les cycles de production qui étaient
avant quotidiens sont devenus des flux continus, et le nombre et les types de
supports se sont multipliés[2].
Il
n’est pas anodin de signaler que beaucoup d’écoles de journalisme incluent
aujourd’hui dans leurs cursus des formations en 2.0, signe que ce domaine est
en pleine expansion. Par exemple, pour « faire face à la révolution
numérique entamée avec l'arrivée d'Internet il y a 20 ans », le comité
pédagogique d’HEJ journalisme a décidé d'apporter de profondes modifications au
cursus de formation. En effet,
cette école dispense maintenant une formation en e-journalisme, qui a
pour but d’approfondir les possibilités offertes par le journalisme web.
L’université Aix Marseille à elle choisi de créer le
diplôme universitaire JCW (journalisme et communication web) pour
« répondre à une demande grandissante, dans un secteur en pleine expansion[3] ».
Composé de cours de Web visibilité, de Web
communication, de Journalisme Web et de Web multimédia, ce parcours permet de
sensibiliser les étudiants à cet outil en constante évolution.
L’institut
Européen de journalisme de Paris, qui se « donne l’objectif d’être l’école
la plus en phase avec l’évolution des métiers du journalisme » dispense
cette année pour la première fois une formation pluridisciplinaire en accordant
une importance primordiale aux nouvelles technologies (Internet et information
par téléphonie mobile). Ce programme a pour but de former les étudiants dans un
contexte où l’univers des médias connait une véritable évolution.
Ultime preuve que la question du journalisme 2.0 est bien d’actualité, le World Editors Forum, prévu en Suède, du 1er
au 4 juin prochain, examinera la question suivante : « le Web 2.0
donnera-t-il naissance à une nouvelle forme de journalisme ? ».
La
différence dans le traitement de l’information
La première chose qu’a révolutionnée l’apparition du web est l’accès à
l’information. En effet, un journaliste 2.0 peut se renseigner sur un événement
et recueillir des témoignages sans avoir à se déplacer comme un journaliste
traditionnel le ferait. Pour mettre en lumière ce point de différenciation, il
est intéressant de se pencher sur la façon dont
a été traitée la crise tunisienne, en ligne, et dans la presse papier.
Comme mentionné
plus haut, le journaliste 2.0 a à sa disposition les potentialités
interactionnelles d’Internet, dont font partie les réseaux sociaux. Ces
derniers ont été des éléments majeurs de propagation et d’organisation lors de
la crise tunisienne. Les Tunisiens voulaient se tenir au courant des
rassemblements et partager de l’information, et voyaient Facebook et Twitter comme
le meilleur moyen de le faire[1]. Ces réseaux sociaux sont alors devenus des mines d’or pour
tous les journalistes 2.0 voulant traiter le sujet, ainsi que des caisses de
résonnance dans le monde entier grâce aux milliers d’articles écrits en ligne
sur le sujet. Les journalistes du
numérique le savent bien: les articles doivent être truffés de liens,
suppléments d’informations offerts aux lecteurs[2].
Ils ont donc pu insérer dans leurs articles des éléments (photos, vidéos,
témoignages) provenant directement des Tunisiens.
Dans
ce climat de contestation, il était très difficile pour les journalistes étrangers
de pénétrer sur le territoire tunisien, en raison de la censure du
gouvernement. Même les journalistes locaux avaient du mal à couvrir les
évènements : en décembre, le
gouvernement interdit aux journaux d’opposition Tareeq-al Jadid et Al Mawqif de
paraître pour avoir couvert les protestations[3]. Les
journalistes 2 0,
qui, par nature, vont chercher les informations sur Internet, étaient donc
avantagés par rapport aux journalistes traditionnels.
Toujours dans ce contexte tunisien, le journalisme 2.0 a
aussi permis d’accéder à l’information beaucoup plus rapidement. En effet, les
journaux papiers ne paraissant qu’une seule fois par jour, il était impossible
de rester informé minute par minute sur la situation. La mise à jour des sites
journalistiques en ligne permet, elle, de relater des informations en temps
réel. Autre raison pour laquelle le journalisme 2.0 a été plus rapide dans le
traitement des informations sur cette crise : le fait que beaucoup de
Tunisiens se soient eux-mêmes transformés en journalistes sur Internet. En
effet, le web 2.0, grâce aux réseaux interconnectés, permet aux internautes de
publier et d’échanger en direct. Cette potentialité a été largement utilisée
par les Tunisiens, et notamment Yazid, un ancien étudiant de Nanterre qui était à
Tunis pendant la semaine qui a précédé le départ du président Ben Ali[4]. Sur son blog, ce jeune
homme racontait au jour le jour les événements qui ont secoué la Tunisie : « Lundi 10 janvier - Les tueries de la
veille ont rapidement échauffé les esprits à Tunis et de nombreux lycées et
universités ont vu sortir de nombreuses manifestations […] Mardi 11 janvier -
Pour la première fois les quartiers populaires de Tunis entrent en action. Très
vite cela se propage. Il y a effectivement certains cas de pillages et
destructions mais la violence est essentiellement dirigée contre les
représentants et symboles du pouvoir ».
A
travers l’exemple de la crise Tunisienne, on s’aperçoit que le journalisme 2.0
offre de l’information en abondance, grâce notamment à la démocratisation de
l’écriture publique. Les flux d’information en réseau (many to many)
ont dépassé la vieille logique des mass media (one to many)[5],
et circulent maintenant de manière horizontale. Chacun peut se transformer en
journaliste et publier sur un sujet. C’est peut-être d’ailleurs ici que se
trouve le revers de la médaille.
L’information
participative : le grand mélange
Car
abondance ne veut pas forcément dire information de qualité. Il existe sur
Internet de nombreux non-professionnels qui analysent et relatent des faits,
sans pour autant avoir les qualités pour le faire. Être journaliste reste un
métier à part entière, il faut être capable d’authentifier une information. Ce
que l’on trouve sur Internet est un matériau de départ à partir duquel les
journalistes peuvent et doivent ensuite faire leur travail : vérifier,
recouper, contextualiser[6].
On
trouve même aujourd’hui sur Internet des articles entièrement écrits par des
robots. C’est le cas du site web StatSheet, un site d'infos sportives
américain[7].
On atteint ici un niveau de deshumanisation du métier de journaliste assez
élevé, preuve que l’on peut trouver tout et n’importe quoi sur Internet.
Le cas du 11 septembre
2001 est aussi un exemple qu’une information non-vérifiée peut être reprise par
des milliers de personnes en ligne. Le web étant virtuellement sans limite, les
adeptes de thèses conspirationnistes peuvent-ils facilement échanger et faire
grossir leurs rangs[8]. Ainsi, la toile a été inondée par
des journalistes en herbe nous expliquant la thèse de la démolition contrôlée des tours ou encore celle du missile qui
aurait frappé le Pentagone.
Une certaine adaptation du journalisme
traditionnel
Malgré l’émergence du
journalisme 2.0, on ne peut parler de
révolution, mais plutôt d’adaptation, de mutation du métier de journaliste, et
cela est caractérisé par plusieurs éléments.
Premièrement,
Internet a rendu le journaliste plus sédentaire. En effet, ce dernier peut se
servir des informations disponibles sur le net pour créer non-plus un produit,
mais un processus dans lequel des milliers de personnes sont impliquées[9].
Son travail consiste alors plus à filtrer qu’à produire de l’information. Mais
attention, cela ne doit pas remplacer l’enquête sur le terrain. On se dirige
ici vers une convergence entre la sédentarité des journalistes 2.0 et la
recherche d’informations sur terrain des journalistes traditionnels.
Les journaux
traditionnels commencent aussi à s’adapter au numérique. Le journal Le Monde,
par exemple, dispose de son propre site Internet, où il est possible de suivre
l’actualité en direct. Ce site a reçu plus de 67 millions de visites, rien
qu’en mars 2012. On voit donc ici une autre convergence, celle des journalistes
traditionnels qui commencent à
travailler sur le numérique (car les journalistes qui publient sur le site
internet sont les mêmes que ceux qui publient dans la version papier).
Pour ce qui est du
journalisme télévisé, quelques rapprochements au 2.0 son perceptibles. Il
existe par exemple de plus en plus de chaines d’information en continu. En
anglais, les chaines CNN et Fox News, en Arabe Al Jazeera, et en français
France 24. Ceci est un autre exemple de
la mutation du journalisme traditionnel (info disponible à des moments précis)
vers un journalisme 2.0, qui relate l’information en temps réel.
Vers un journalisme augmenté
Aujourd’hui,
comme l’explique le journaliste
américain Clay Shirky, « ce
n’est pas les journaux qu’il faut sauver, mais le journalisme[10] ».
Nous nous dirigeons vers un « journalisme augmenté »,
dans lequel le rapport à l’information évolue en fonction des NTIC. Les
qualités d’un bon journaliste restent les mêmes (capacités à trier,
authentifier et mettre en liens les informations), mais « le
nouveau défi majeur est de retrouver une fonction de filtre pertinent grâce aux
nouveaux outils numériques, pour délivrer l’information dont a besoin le
public, là où il le souhaite et quand il le désire [11]».
Le journalisme
augmenté aura moins de contrôle et d’autorité sur l’information, mais sera plus
en prise avec les lecteurs. Il sera une convergence des flux informationnels du
2.0 et des compétences d’un journaliste traditionnel en termes de filtrages et
d’authentification de l’information.
Les différentes
écoles de journalismes ont bien compris que le métier de journaliste était en
pleine mutation, et l’une après l’autre, elles commencent à insérer le
journalisme 2.0 dans leur cursus.
[1]
http://andreapavesi.blogspot.fr/2012/03/limpact-des-reseaux-sociaux-sur-la.html
[2]
http://blog.slate.fr/labo-journalisme-sciences-po/2010/12/11/nouvelles-pratiques-du-journalisme-nous-vivons-un-age-dor/
[3]
http://geo-phile.net/IMG/pdf/12._internet_une_arme_pour_la_jeunesse_tunisienne_revoltee.pdf
[4] http://agen-nanterre.over-blog.com/article-petit-temoignage-de-la-grande-revolution-tunisienne-65489487.html
[5]
http://lecercle.lesechos.fr/livres/bonnes-feuilles/221134912/a-t-on-encore-besoin-journalistes-manifeste-journalisme-augmente-de
[6]
http://owni.fr/2011/03/24/amateurs-et-journalistes-le-grand-melange/
[7]
http://owni.fr/2010/11/14/le-%C2%ABjournalisme-artificiel%C2%BB-est-en-ligne/
[9]
http://artimon.fr/newsletter/Profession%20Journaliste%202.0.pdf
[10]
http://owni.fr/2011/09/06/un-neo-journalisme-en-prise-directe/
[11]
http://lecercle.lesechos.fr/livres/bonnes-feuilles/221134912/a-t-on-encore-besoin-journalistes-manifeste-journalisme-augmente-de
[1] http://www.journalisme.com/content/blogcategory/26/63/
[2]
http://www.cahiersdujournalisme.net/cdj/pdf/22_23/11_MENTRE.pdf
[3] http://www.dujcw.univ-cezanne.fr/le-du.html